MP #8 - Le mycélium, coup de buzz ou matériau d'avenir ?
En collaboration avec Adrien Rigobello, designer-chercheur spécialiste en matériaux composites à base de mycélium
⚡️Coup de buzz plus que de génie, l’usage du mycélium pour la confection d’objets utilitaires tels que des chaises s’avère quelque peu poussé.
Appareil végétatif des champignons, le mycélium - appelé blanc de champignon dans le langage courant - fait partie des bio-matériaux dont on entend de plus en plus parler.
👀 Expérimenté depuis près de 20 ans dans le champ du design et de l’architecture, on le voit partout ( Biennale de Venise, Paris Design Week, etc.).
Derrière ce coup de buzz, qu’est-ce vraiment que ce matériau à base de mycélium ?
🔎 Qualifiée de bio-ingénierie ou encore de myco-fabrication, sa confection consiste à exploiter le potentiel qu’ont certains champignons à dégrader le bois pour en métaboliser les nutriments et, in fine, permettre la réalisation de nouveaux matériaux composites.
Initié par la sélection d’une espèce fongique (pour le blanc de champignon) et d’un substrat (généralement des déchets agricoles ou issus de l’industrie du bois) que l’on adjoint à de l’eau dans certaines proportions, le mycélium est une matière vivante à la fabrication relativement accessible.
Mais pourquoi est-il devenu si tendance ces dernières années ?
✅ Le plus grand argument en faveur du mycélium est sans conteste qu’il offre une alternative écologique valide face à d’autres matériaux pétro-sourcés.
Une alternative quelque peu extrapolée, car si ses qualités sont nombreuses, son efficience n’est pour autant pas prouvée pour n’importe quel usage ou n’importe quelle application.
En effet, si tout matche sur le papier, au vu des quelques apparitions de mobiliers ou d’objets utilitaires faits de mycélium (bien plus fréquentes dans des espaces d’expositions que dans nos salons), il en va autrement dans la réalité.
👉 De ses qualités souvent très médiatisées , il ne faudrait pas pour autant oublier ses défauts ; ainsi bien que présenté comme :
1 - 100% naturel et compostable, cela s’avère vrai seulement si aucun adjuvant chimique et aucun substrat d’origine synthétique ne s’immisce dans la production ou l’entretien de l’objet final
Or aujourd’hui, un nombre croissant de recherches sont conduites avec pour objectif d’intégrer des plastiques non-recyclables, ce qui rend impossible leur compostabilité (voir par exemple cet article).
2 - Sain car il n’émet pas de toxine et ne provoque aucune allergie, cela demande à ce que les conditions soient relativement sèches et stables
En cas de pluie ou de conditions tropicales, les particules de bois risquent d’absorber l’humidité, menant alors à la dégradation des propriétés cohésives du mycélium (comme l’exprime ce rapport scientifique) voire au développement de moisissures.
3 - Isolant, il est structurellement encore peu performant et plutôt friable.
À moins de renforcer ce matériau avec des textiles de source naturelle, ce que tente d’expérimenter le chercheur Adrien Rigobello.
Pour aller plus loin… avec Adrien Rigobello
Facile à produire au vu des conditions toutes relatives que leur culture nécessite (température, humidité, accès à l’oxygène et à la lumière), un autre avantage considérable des produits à base de mycélium est que leur confection ne requiert que des matériaux aisés à se procurer.
Contrairement par exemple au pain, où la farine -ingrédient principal - ne peut être qu’achetée (excepté pour les quelques meuniers qui la produisent encore), pour la myco-fabrication un tour en forêt ou une balade sur un terrain agricole peut permettre de récolter l’ensemble des éléments utiles, à savoir : un échantillon d’un champignon capable de dégrader le bois (tel que le pleurote ou le polypore versicolore), du bois mort et de l’eau de pluie !
“Les champignons sont les « fruits » du mycélium, comme la pomme est le fruit du pommier !”
Si vous souhaitez
explorer la culture de ce type de matériaux à la maison, Adrien vous met à disposition, ce guide réalisé en anglais : How-to mycelium.
Ses recommandations de culture ?
Essayer de mélanger des déchets organiques préalablement séchés au four, avec des morceaux de bois (environ 10 à 20% de la masse totale) et de faire varier les durées de fermentation.
Vous serez surpris·es de découvrir les matériaux solides, aux qualités diverses et soutenables obtenus !
D’ailleurs, pour vous faciliter la confection de tels produits, quelques sites proposent à la vente des champignons, des kits complets ou encore des “formations aux champignons” pour tout public ; c’est notamment le cas de SmartMush.
Pour faire le point !?
Tandis que l’utilisation de matériaux à base de mycélium pose question quant à sa réelle pertinence pour des objets usuels, son application souvent très médiatisée semble occulter un aspect important grâce à la magie des images figées : son aspect bien souvent éphémère.
Ainsi, des recherches autour de briques à base de champignon par certains architectes, jusqu’à l’installation de tours pendant quelque semaines au sein de la cour du MoMA en 2014, si l’idée commune qui semble avoir germée paraît des plus louables (le secteur du bâtiment étant l’un des plus polluants), il n’est encore actuellement, pas réellement envisageable de vivre comme les schtroumpfs dans des maisons de champignons.
Concernant le secteur du textile ou de l’habillement, bien que les textiles à base de mycélium soient de plus en plus nombreux a défiler dans la presse ces dernières années (allant du simple ornement, au textile jusqu’au cuir de mycélium, sans oublier son application pour le développement de casques de vélo, ici et là), leur absence sur le marché ou dans les commerces démontre bien qu’il reste encore beaucoup à faire avant que ce fantasme ne devienne réalité.
Défaut de viabilité ou faute de coût trop élevé ?
Ce qui est certain, c’est que du côté des luminaires (toujours à base de mycélium), le coût de production a du en a stopper plus d’un à en croire le peu d’éditeurs qui proposent de tels produits à la vente.
De l’ordre du projet expérimental chez certains designers, d’autres luminaires ont quant à eux proliféré au sein de galeries ou d’hôtels, tenant davantage de l’objet d’art.
Objets donc à voir plus qu’à avoir !
Dans le prochain post, on vous apportera des éléments de réponses, quant à des applications plus concrètes et prometteuses de ces matériaux à base de mycélium !
Pour davantage d’infos sur les enjeux écologiques
dans le monde du design et de l'architecture intérieure