MP #9 - Du champignon au mycomatériau, quelles sont les véritables applications du mycélium au sein de nos intérieurs ?
En collaboration avec Adrien Rigobello, designer-chercheur spécialiste en matériaux composites à base de mycélium

🍄 Comme évoqué dans notre précédente newsletter, si le mycélium a poussé de partout dans les médias ces dernières années ses applications sont bien souvent quelque peu extrapolées, en particulier pour certains usages.
Pourtant, ces matériaux peuvent être dans certains cas de véritables atouts ; des alternatives aux manières de faire plus écologiques.
Déshydratés pour perdurer, sous quelles conditions faut-il pousser ces matériaux dans notre quotidien ?
Léger, naturel et compostable, ce qui est certain, c’est que leur application a d’ores et déjà fait ses preuves dans un autre secteur, bien souvent invisibilisé mais pourtant pas des moindres : le packaging.
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Idéal pour une application à usage unique, les emballages en mycélium s’avèrent avoir des propriétés comparables aux produits faits de polystyrène, tout en se démarquant de par leurs capacités à être recyclés et biodégradés.
En tant qu'emballages, ils offrent ainsi un substitut efficace aux matériaux polluants que représentent le plastique ou le polystyrène, encore usuellement utilisés dans le domaine du packaging.
♻️ Majoritairement produits à partir de déchets et disposés à le redevenir (ou plutôt à finir en substrat de culture après un passage en compost), le mycélium s’apparente alors à priori, à une solution écologique et circulaire.
Une conclusion à laquelle l’entreprise Ecovative Design a - semble-t-il - déjà abouti puisqu’elle propose une gamme de packaging nommée Mushroom Packaging, faite à partir d’un matériau à base de mycélium développé par l’entreprise-même.

Force de caractère dans le monde de l’éphémère, le mycélium a-t-il cependant sa place dans le secteur de l’architecture intérieure ?
📌Légèrement friable (pour une composition 100% mycélium) et pas des plus fortiches quand il s’agit d’être comprimé, si le mycélium exploité sous forme de mobiliers (à l’usage intensif) ne semble ni durable ni réellement souhaitable, son emploi en tant qu’isolant semble plus prometteur.
👉Ainsi, d’après nos informations récoltées, les applications du mycélium à cultiver par le designer ou l’architecte d’intérieur, sont les suivantes :
1 - Comme le démontrent les principaux brevets attribués à l’heure actuelle autour du mycélium, c’est la réalisation de panneaux sandwich qui semble exploiter au mieux ses qualités et lui offrir ainsi une place dans nos aménagements intérieurs.

2 - Bon isolant acoustique comme thermique, son application sous forme de panneaux muraux ou de dalles pour le sol semble donc judicieuse, notamment en réponse aux contraintes auxquelles sont confrontés nombre de nos intérieurs.
Autant d'applications que proposent l’entreprise Mogu avec ses différents produits industriels bien aboutis à base de mycélium, à découvrir plus en détail par ici.

👉 Mais encore ?
3 - Au-delà des murs de nos intérieurs, mais toujours en lien avec des questions d’architecture intérieure, le mycélium apparaît comme une solution enviable dans le domaine de la scénographie.
Secteur au caractère tout aussi polluant qu’éphémère (comme le packaging), l’utilisation de matériaux composites à base de mycélium pour la production de scénographies et de décors, pourrait bien éteindre quelque peu le feu des critiques auxquelles ce secteur fait face ; à juste titre.
Pour faire le point !?
Si l’emploi du mycélium dans le monde du packaging semble quelque peu se démocratiser - bien que cela reste encore moindre face au poids et à l’impact écologique actuels de cette industrie -, les exemples dans les secteurs de l’aménagement intérieur ou de la scénographie restent à ce stade nettement plus rares.
Ainsi, concernant l’emballement du champignon dans le secteur du packaging, en plus de l’entreprise Ecovative Design, précédemment évoquée, on peut aussi citer la compagnie Magical Mushroom ; la marque de spiritueux sans alcool Seedlips (à la démarche 100% circulaire de la liqueur à l’emballage), la marque de produits cosmétiques Hudson Hemp ou Haeckels (sur une de leurs gammes de produits) ou encore Shrine pour leurs bougies Topiary
Simple coup de pub ou véritable démarche écologique ? On vous laisse juger par vous même.
Il n’empêche que toutes les solutions alternatives à celles pétro-sourcées semblent intéressantes à explorer.
C’est d’ailleurs ce que défend Mycephile, une association de sensibilisation et de promotion de solutions utilisant la mycélium pour diminuer l’impact environnemental, à découvrir sans modération !
Pour ce qui est de décorer son intérieur avec des éléments faits à base de mycélium, - si le sujet du mobilier a déjà été abondamment traité - le cas des nombreux abat-jour en mycelium que l’on voit fleurir, apparaît (dans un milieu stable) comme un type d'accessoires relativement intéressant en comparaison à d’autres formes de production d'abat-jour.
Le(s) mot(s) de la fin, par Adrien Rigobello :
Bien que, les matériaux composites à base de mycélium soient souvent promus comme peu énergivores à produire et circulaires - puisque leur culture peut s’appuyer sur l’utilisation de déchets organiques d’autres industries (chanvre, marc de café, bois, foin, etc.) -, il semble essentiel de préciser que :
Les applications industrielles des composites à base de mycélium utilisent aujourd’hui, des sous-produits du chanvre qui ne sont pas réellement des déchets puisqu’ils peuvent être utilisés comme litière pour animaux ou pour produire des biocarburants, par exemple.
Ces applications n’utilisent pas encore le potentiel de ces nouveaux matériaux pour recycler les déchets banals. 2,01 milliards de tonnes de déchets banals sont produits chaque année dans le monde, et on estime que 56% de ceux-ci peuvent être utilisés pour la production de matériaux à base de mycélium.
De plus, la cultivation du chanvre nécessite l’utilisation d’engrais qui contribuent à l’acidification et l’eutrophication des milieux naturels.
Enfin, la production de ces nouveaux matériaux est à ce jour demandeuse en énergie électrique (pour les procédés de stérilisation de substrats, d'incubation, et de séchage). Selon le mix énergétique des pays dans lesquels ces matériaux sont produits, ils ne sont pas totalement soutenables et sont générateurs d’émissions CO2 (comme vous le présente ce document).

Des efforts d’amélioration de la soutenabilité des procédés de mise en forme de ces matériaux sont attendus dans les prochaines années (utilisation opportuniste de déchets),ainsi que la mise en place de procédés de culture moins énergivores, et le développement de chaînes d’approvisionnement et de transformation davantage locales.
En conclusion, bien que le mycélium n’apparaisse pas encore à ce jour, comme un matériau miracle adapté à la production d’objets pérennes destinés à un usage quotidien, certaines applications industrielles sont néanmoins déjà prometteuses :
ce matériau peut permettre de remplacer rapidement tous les produits à usage unique extrêmement polluants faits à base de polystyrène.
ou bien prendre place sur nos murs (ou nos sols) afin d’isoler phonétiquement et thermiquement nos intérieurs, mais là aussi de manière plus durable que ne l’est, par exemple, la laine de verre.
Pour davantage d’infos sur les enjeux écologiques
dans le monde du design et de l'architecture intérieure